Philippe Croizon est l’exemple même de l’homme ayant accepté et même surpassé son handicap. Le 5 mars 1994, l’antenne de télévision qu’il démonte touche une ligne à haute tension et l’électrocute. Deux mois plus tard, il se réveille sur son lit d’hôpital, branché partout, mais surtout, sans bras et sans jambes. À cette époque, il est père d’un petit garçon de 7 ans et sa femme attend un autre enfant.
Une multitude de stades à passer avant de renaître à la vie
« J’ai alors vécu plusieurs périodes plus ou moins longues qui, selon moi, sont nécessaires à toute reconstruction : d’abord, lorsque j’ai réalisé, j’ai voulu mourir. Mais il y avait mes enfants. Alors un jour, j’ai décidé de vivre*. » Rien n’est gagné pour autant, car viennent, malgré cela, la révolte, l’impossibilité à accepter l’inacceptable. Et puis, enfin, la reddition : « J’avais fait le deuil de ce qui n’était plus là. J’acceptais enfin mon handicap et c’est en me libérant de ça que j’ai pu commencer à avancer. Pour retrouver mon autonomie, j’ai commencé un combat qui a duré douze ans. » La colère ? Il l’a connue quand sa femme l’a quitté, sept ans après l’accident. « Là, tout mon entourage en a bavé pendant des mois. Je passais mon agressivité sur les autres. Mais je crois que tout cela est obligatoire pour un retour à la vie. Tout handicapé passe par un ou plusieurs de ces stades, et pas forcément dans cet ordre ».
Pour s’en sortir, oser !
Aujourd’hui appareillé, Philippe a acquis une assurance qui fait parfois oublier son handicap à ses interlocuteurs tout en forçant l’admiration. « Il a fallu bien sûr combattre le regard des autres. Au début, je n’osais pas sortir. C’était également dur pour les proches. Mais traverser la Manche, c’était aussi pour dire à mes camarades d’infortune que si on a la volonté, on peut retrouver une vie qui n’est pas faite que de souffrances. »
(Philippe Croizon a réalisé l’exploit de traverser la Manche à la nage en 13 heures et 23 minutes).
Selon lui, pour s’en sortir et bien vivre avec son handicap, un seul mot d’ordre : « Prendre le taureau par les cornes et surtout, ne pas attendre que ça arrive, ne compter que sur soi-même. On ne soupçonne pas la force qui est en nous et que l’on peut se découvrir dans ces circonstances. Il faut provoquer les choses pour retrouver sa dignité d’homme. » Aujourd’hui, Suzana vit aux côtés de Philippe et le soutient dans tous ses défis : « Jamais je n’aurais pensé que l’on puisse tomber amoureux de moi. J’ai fait le premier pas… et ça a marché ! Il faut oser, on peut s’en sortir. Moi, je suis mort le 5 mars 1994, alors maintenant, tout n’est que bonus et bonheur ».
Un exemple de courage et de persévérance pour les personnes handicapées comme pour les valides.
*J’ai décidé de vivre, Philippe Croizon, Éd. Jean-Claude Gawsewitch
Crédit photo : Thesupermat